Récit de vie de Aurélie

Je M’appelle Aurélie, 41 ans, mariée, et maman d’une petite fille de 7 ans.

Je possède différents handicaps, dont le principal et le plus invalidant est celui de la surdité bilatérale congénitale avec laquelle je vis.
Mes 2 parents sont sourds: mon père est « sourd profond d’une oreille » et « appareillé » de l’autre et sans son appareil, il n’entend qu’à 20 pour cent.

Ma mère est également « sourde profonde » mais pas de naissance; elle a perdu l’audition vers 15 ans. La fusion des gènes de mes deux parents a eu un impact sur moi et vers 11/12 ans, j’ai commencé à perdre de l’audition.

J’ai subi une opération de l’oreille interne gauche, Mais l’opération a été un échec. Le chirurgien a malencontreusement touché mon tympan, Le déplaçant de son champ rectiligne et l’affaissant, lui retirant ainsi son rôle de « barrière protectrice » contre l’extérieur. La conséquence est la fabrication intensive et massive de « cérumen », entraînant constamment des hospitalisations urgentistes pénibles avec l’ORL, afin de me retirer les « bouchons de cire ».

Je suis appareillée des deux oreilles depuis l’âge de 12 ans, et en grandissant, perdais peu à peu en audition. L’ORL m’a annoncé que çà ne s’améliorerait pas. J’ai cependant suivi une scolarité classique sans grandes difficultés, bénéficiant néanmoins d’une tolérance de temps supplémentaire pour passer les examens de collège (BEPC) et lycée (BAC).

A partir de la fin du lycée et début de l’âge adulte, c’est devenu plus complexe pour moi, car le regard et l’opinion jugeante des autres ont pris une ampleur psycho-émotionnelle plus importante. Je me sentais raillée, incomprise, et rejetée. Des phrases du type : « Tu fais vraiment exprès de ne pas entendre! », « Tu ne comprends décidément rien! », « Tu parles trop fort et tu cries! » etc… m’ont miné le moral et beaucoup heurté. Comme si on avait fait exprès d’avoir gagné un handicap à la loterie de la vie qui en amoindrissait l’adaptation à ses semblables, juste pour se rendre intéressant?! »
La bêtise humaine » est décidément la « mauvaise fée du monde! » et finit souvent par tenir la main griffue de la « Méchanceté ».!!…

Comment accueillir ce manque de compassion, cette peur de la « différence » qui peine tant à regarder « l’altérité » comme un espace humain de « découverte » et de « rencontre »?

J’ai malgré cela, su dépasser le sentiment d’injustice ressenti à travers l’adversitédes autres, et su également conjurer les déversements de « communication violente gratuite », de « néantisation » des difficultés d’adaptation qu’impliquait ma surdité; en devenant « aide-soignante ».

Par mon travail, je donnais ce que certains m’avaient refusé. Il est sans doute là le point de fuite du « super pouvoir » des personnes possédant un ou plusieurs handicaps, tout en ayant une belle et profonde sensibilité humaine; dans l’acte altruiste d’écoute, de reconnaissance respectueuse et d’attention pleine, apporté à ceux le nécessitant, quels qu’ils soient !

Il arrivait pourtant, même dans cet espace de travail médical, défini comme « soin à la personne », que des collègues me renvoient de nouveau les mêmes basses réflexions qu’à l’école, bien qu’au fait de mon handicap auditif. Des « Tu le fais exprès de ne pas répondre ou quoi?! » revenaient sur le tapis; et ceux-là, je les ressentais comme des agressions avec désappointement, même sans entendre aussi bien que la normale!

Esthétiquement, les appareils auditifs sont discrets et comme je suis une femme coquette, je préfére cette discrétion. Quasiment « invisibles », ces appareils peuvent en effet laisser à penser que je n’ai aucun problème à entendre si je ne l’évoque pas, d’où le terme de « handicap invisible »! Mais quoi qu’il en soit, le jugement hâtif abîme ceux qui le reçoivent comme une insulte.

Dans mon travail, ce handicap joue également un rôle, car dans diverses situations, je dois me justifier et me légitimer sans cesse: par exemple lorsque je mets de la musique à un patient, et que je règle pour lui le son d’une radio, mais à ma manière « singulière »pour ce dernier, à savoir trop fort ou trop faible ce son! Je me base sur les fréquences des différentes ondes sonores pour m’ajuster, mais cela occasionne des désagréments pour les « bien entendant ».

Je prie alors les gens de bien vouloir m’excuser en raison de mon trouble de l’audition, me justifie pour ceci ou bien cela; et c’est sincèrement parfois éreintant, car je me sens obligée en permanence de déployer un comportement de suradaptation alors que peu font l’effort de « s’adapter » à ma « singularité ».

En 2018, j’ai vécu de terribles crises migraineuses, trop invalidantes pour assumer les journées quotidiennes de travail. Je pouvais m’évanouir de douleurs. Les traitements médicamenteux migralgiques faisant peu effet, le neurologue a creusé, et fini par diagnostiquer un Syndrome Névralgique d’Arnold .

J’ai refusé les traitements d' »anti-dépresseurs » et subi plusieurs infiltrations dans le « nerf d’Arnold ». Maintenant, j’ai un traitement naturel homéopathique. Le déclencheur des crises peut être la fatigue, le stress…j’associe alors antalgique et traitement naturel. Cette pathologie est difficile à supporter, sans doute liée à une période de « harcèlement moral » au travail…

Voilà donc mon 2^nd « handicap », invisible, et si présent à la fois. A cela, je rajoute avoir été déclarée « stérile » vers l’âge de 14 ans, ayant un cycle ovarien « polykistique » conséquent (Syndrome Ovaire Polykystiques).
J’ai enfanté une fille il y a 7 ans, oui!… à priori, ce n’était pas un diagnostique irréversible!

Je souhaitais, il y a peu, en finir avec cette douleur infernale mensuelle, mais la médecine considère que je peux encore, à 41 ans, désirer des enfants, me refusant de fait le droit qu’elle accorde aux hommes qui souhaitent une « vasectomie » (dès l’âge de 35 ans), de ne plus souffrir via une « ligature des trompes ». Je trouve que l’on ne respecte pas vraiment le consentement ou la parole des femmes en gynécologie, dont les consultations en profondeur sont de l’abattage peu courtois, et durent 7 minutes chrono max!

La médecine gynécologique réduit ou nie carrément les douleurs des femmes – en tout cas mon expérience de vie le pense – ainsi que leur droit à décider seules pour leur propre corps; c’est très injuste, et très violent à vivre en tant que femme.

Très souvent, tout est ramené à des problèmes « psycho-émotionnels » dans la pose de diagnostiques face au « féminin ».

Tout est dans la tête! On avance lentement dans la compréhension de maladies féminines, il faudra encore que la médecine fasse des efforts de perception pour progresser véritablement, à mon sens!

De manière plus générale, je dirais que le côté « humain » n’est pas au top dans le monde médical, et je ne parle evidemment pas des patients! Je suis aide soignante mais ai observé beaucoup de failles à ce niveau de considération de « l’humain », de respect de l’être dans sa dimension non mécanique. Sujet de débats nombreux d’ailleurs depuis quelques décennies…

J’ai finalement changé de voie professionnelle et me suis reconvertie dans le domaine des « soins et du bien-être holistique », plus particulièrement le « massage ».

Je travaille aujourd’hui comme « auto entrepreneuse » dans le massage bien-être, connais bien le corps humain grâce à mon parcours pro, la douleur, de par mes « différences », et mon empathie envers les autres me permet de déployer une attention pleinement consciente et bienveillante auprès de ceux qui me suscitent.

J’ai gagné cet équilibre en quittant mon job dans le secteur médical, n’étais plus en accord avec ce que j’observais d’un oeil critique et profondément déçu…

Ma « différence » se révèle pleine de « ressources » dans ma discipline freelance. Je suis une « artisane » du bien-être qui participe à quelque chose de plus humaniste dans la pratique, créant la rencontre de l’humain avec un autre humain, intéragissant de manière douce et attentive, accompagnant et guidant vers un « mieux-être » …

Bon bah je crois que si j’étais une « super-héroïne », ce serait probablement une « Médecine Woman » des temps anciens, avec les acquis du modernisme… !!